samedi 13 octobre 2012

Meditation Vipassana

« Au plus profond de nous réside la plus lointaine des étoiles, observer l’intérieur de ses montagnes c’est comprendre le ciel qui l’accompagne ». L.F

Le jour du stage Vipassana est arrive ! Lancée à pleine vitesse dans le rickshaw, je me demande à quelle sauce je vais être mangée ! Un mélange d'excitation, d'impatience, de léger stress et de confiance simultanée s’empare de moi. 
 
L’arrivée est mémorable à plusieurs titres : 

- une pagode dans un écrin de jungle nichée au milieu des collines embrumées. Un environnement digne des films de Kung-Fu shaolin. L’accueil par des milliers d’oiseaux, de perroquets verts, des centaines de paons emblème de l’Inde, mais aussi écureuils et de singes a face noire attendrissants et joueurs... Les uns et les autres se courent après et jouent pour finalement laisser les perroquets s’envoler et faire tinter les clochettes de la pagode…une charmante cacophonie-harmonie dans le style « arche de Noé » version exotique. Il s’avérera par la suite qu’il y a aussi des scorpions ENORMES !!

- Pas de réseau pour appeler une dernière fois parents et doudou, formulaire a remplir et délestage d’a peu prêt toute vos affaires (passeport, argent, sac a dos). Dans le Centre, impossible de faire pénétrer livres, appareils photos, nourriture, cahiers, téléphone... Aucun moyen de communiquer avec l’extérieur afin de se concentrer intégralement sur la méditation. Pour certains cela pourrait ressembler a un enfer ou a un éden ou les deux a la fois. Que c’est agréable et reposant de ne pas être sollicite ! 

Une fois passée l’entrée, une chambre avec lit en pierre, un drap... vous est attribue. On vous attribute egalement un cousin de meditation et une place dans le hall de la pagoda. Un peu plus tard, une cellule de meditation vous est attribuee dans la pagode.

Nous sommes nombreux, une centaine de personnes dont 5 occidentaux, 65 hommes et 35 femmes séparés par zone. Les méditants sont des tous âges et tous horizons. Une des règles consiste à respecter le « Noble silence » c’est à dire à ne pas échanger entre nous ni par parole, signes, écrits...
Vipassana, qui signifie voir les choses telles qu'elles sont réellement, est une des plus anciennes techniques de méditation de l'Inde. Elle a été enseignée en Inde il y a plus de 2500 ans comme un remède universel aux maux universels, c'est-à-dire un art de Vivre.
Avec mes mots, je dirais que cela consiste a calmer l’esprit pour y voir plus clair, c’est a dire se liberer des illusions, des emotions negatives qui prennent le controle, des desirs, sentir l’impermanence des sensations et par extension, de la vie. Ce n’est pas seulement le dire mais le sentir.
Un couple d’indien professeur nous encadre ainsi que des anciens élèves mais le maitre clé des centres Vipassana est Goenka Jee dont la voix est enregistrée sur des bandes qu’on nous diffuse parfois pendant les méditations pour nous guider et des vidéos le soir pour compléter l’enseignement. Originaire d’Inde, il a lui-même appris la technique en Birmanie ou elle avait été conservée puis l’a diffuse en Inde et a travers le Monde (plus de 30 centres qui suivent tous exactement les mêmes enseignements). La communication avec le professeur était amusante car il fallait s’assoir devant lui sur un coussin et parler simplement et distinctement. Le problème était double : il ne parlait pas bien anglais et était sourd comme un pot ! Vous pouvez imaginer le comique de la situation.  
Les cours, les repas et le logement sont gratuits afin de vous mettre dans la situation d’un moine qui recevrait l’aumône. Cela oblige a n’avoir aucun attente quand au logement et la nourriture : vous prenez ce qu’on vous donne et cela vous permet d’abandonner un peu votre ego. En l’occurrence le logement est simple mais très correct et la nourriture indienne délicieuse. A la fin du stage, on peut faire une donation si on le souhaite.
10 heures de méditations nous attendent de 4h30 du matin à 21h ! Enfin, petite anecdote, pour moi ce sera 98h de méditation car je commence par louper la première méditation le premier jour : je n’ai pas entendu le gong a 4h du matin et me pointe la bouche en fleur pour le petit déjeuner de 7h... Un grand moment de solitude d’autant plus que je ne peux m’excuser puisque je n’ai pas le droit de parler ! Première de mes requêtes auprès d’une ancienne élève : TROUVE MOI UN REVEIL ! Car on a un emploi du temps serre :
-          4h : reveil
-          4h30 – 6h30 : meditation
-          6h30 – 7h15 : breakfast
-          8h – 11h : meditation
-          11h-12h : dejeuner
-          12h-12h30 : questions aux professeurs
-          12h-13h : sieste
-          13h-17h : meditation
-          17h-17h30 : tea break
-          17h30-18h : pause
-           18h-19h : meditation
-          19h-20h30 : discussions professeur (video Goenka)
-          20h30-21h : meditation
-          21h-21h30 : questions aux professeurs
-          21h30 : dodo !

Globalement, le premier jour je pense à tout sauf a méditer : je suis assise mais mon esprit est ailleurs ! Le deuxième jour, assommée par la chaleur je somnole : mes pensées sont encore ailleurs. Je suis sensée me concentrer sur le souffle et je ronfle ! D’une autre manière, mon esprit semble tenter de s’échapper.
Puis le troisième jour, mon esprit comme le ferait un « cheval fougueux »  s’est calme, a jeté l’éponge et s’est laisse faire : il a compris qu’il n’y avait pas d’issue pour s’échapper et qu’il allait devoir travailler autrement.
C’est ce jour qu’on commence justement a travailler plus en profondeur : on observe le souffle d’abord dans la région du nez puis on observe toutes les sensations corporelles de la tête au pied et des pieds a la tête, comme un scanner. La technique consiste à observer sans contrôler, sans juger, sans aversion ou plaisir, sans s’approprier les sensations. 

Et pendant les 10 jours, la technique se peaufine tout en restant très simple. Même si cela peut paraitre austère et difficile, c’est très efficace. Pas de visualisation ou de contrôle du souffle comme j’ai connu dans d’autres techniques de méditations depuis 12 ans. 

Les jours passent, assez vite, rythmes par les méditations, les repas et le gong de la pagode. Trois fois par jour, on effectue une heure de méditations sans bouger…
L’usage montre que les 2eme, 4eme et 6eme jours sont les plus difficiles. Le 8eme jour sera le plus dur pour moi : mon corps se rebelle, ne tient pas en place, j’ai mal partout et cela correspond a deux jours au cours desquels on doit être dans l’introspection perpétuelle : contact avec ses sensations du réveil au coucher.
Les autres méditants bougent et semblent parfois souffrir aussi et pourtant ces femmes ont l’habitude de s’asseoir en tailleur ! Je remarque deux coussins vides au bout de quelques jours et ma voisine de droite a disparu.
Le 10 eme jour, le Noble Silence est brisé : nous avons le droit de discuter afin de reprendre pied avec le monde avant notre sortie du lendemain.

Au delà de la pureté de la technique, j’ai apprécié le caractère universel et non sectaire de la méthode. Ceux qui ont des croyances n’y renoncent pas mais dans le cadre de la technique il n’existe pas de dévotion, pas de rituel etc. 

J’ai sympathise avec trois indiennes très différentes l’une de l’autre. D’abord Pryia, jeune indienne de 23 ans, mariée depuis 6 mois mais qui n’a vu son mari qu’une dizaine de jours car il est parti travailler dans une autre ville laissant Pryia vivre avec sa belle famille a Jaipur. Pryia n’a pas le droit de parler et de montrer son visage à sa belle famille. Elle s’occupe de la maison et doit terminer le ménage à 5h30 du matin heure du lever de la grand-mère paternelle… Autant dire que les 10 jours de Vipassana s’avèrent des vacances : elle n’est pas gênée de ne pas parler, n’a pas besoin de porter de voile et de faire le ménage ! Son beau père, très moderne et spirituel l’a envoyé au stage et devrait l’autoriser à parler désormais. Prya est magnifique, une petite poupée indienne avec des yeux de biche et des cheveux nattés qui dansent jusque sous ses fesses. Souvent j’entends derrière mois le cliquetis de ses bracelets de mariage (une dizaine de bracelets blancs encombrants) quand elle change de posture ou son souffle s’amplifier quand la méditation devient difficile.

Il y avait aussi une femme âgée dont je ne connais pas le nom et qui ne parlait ni anglais, ni Hindi. Malgré le Noble Silence, parfois elle me faisait un clin d’œil, me tirait le bras pour m’aider à m’étirer dans l’allée de la pagode, et m’a donne des bâtonnets dont je n’avais aucune idée de ce que cela pouvait être. Apres la traduction par Ekta le dernier jour, il s’agissait de bâtonnets pour se brosser les dents !

Et puis Ekta, 35 ans célibataire, ma voisine de gauche qui est si paisible et c’est comme si on s’envoyait des ondes d’encouragement. Leur présence a elle deux me fait du bien pendant ces 10 jours de solitude. Ce n’est pas tant de parler qui me manque mais d’écrire et d’échanger de l’attention.
Qu’aurait été le stage si je l’avais suivi en Europe ?  Le dépaysement du lieu, la nourriture, les autres participants indiens ajoutent a la déconnexion…S’agit-il d’une facilite ou d’une difficulté supplémentaire ? 

En tous les cas, je m’amuse de ces belles femmes indiennes en sari qui se raclent la gorge avant de cracher et lâchent des pets sonores. Le voyage et plus spécifiquement en Inde, c’est un peu ca : une émotion esthétique mêlée parfois a une répulsion face a des choses « qui ne se font pas chez nous » ou relèvent de l’impolitesse. Et finalement, voyager n’est ce pas détricoter ce conditionnement de notre propre culture, relativiser ce qui est bien ou mal, lever un voile d’illusion sur des principes ni plus intelligents ni plus bêtes a l’autre bout de la planète ? Et enfin, la méditation n’a-t-elle pas le même objectif en empruntant un autre chemin : relativiser nos émotions, les libérer du carcan du jugement pour gagner en lucidité ? 

Pour terminer, Goenka a une anecdote amusante sur la relativité de la beauté : une jeune femme était courtisée par un homme qui admirait tout particulièrement sa chevelure. Eprit de ces cheveux longs, brillants et soyeux, il l’épouse. Mais un jour qu’il dine, il trouve un cheveu dans sa soupe laisse tombe par son épouse. Furieux, il interpelle sa femme, laquelle indignée lui rétorque : Quoi ?? Ces cheveux si beaux, si soyeux, que tu aimes au point de m’épouser deviennent tout a coup repoussant quand ils sont dans la soupe ?! Mon cher, tu vas manger cette soupe et mon cheveux avec !

A la fin du stage, je prends le temps de me rendre à Galta pour remplir ma promesse de revoir Mani le petit frère de Neeraj qui m’a fait un cadeau. Je suis contente de marcher dans le petit matin. Arriver a Galta par derrière est formidable. Neeraj avait raison, je recommande a tous d’y aller même si ce n’est pas indique dans les guides. Des anciens bâtiments magnifiques, peints en ocres, jaune, des ghâts inondés de lumière douce du matin. Une atmosphère douce et forte a la fois dans laquelle l’Inde sait vous envelopper. Je marche jusque chez Mani qui malheureusement n’est pas la…Je regarde les singes qui batifolent autour, un peu déçue…
Maison de Mani

Tout à coup, un homme qui descend le chemin croise mon regard, une hésitation réciproque puis on se reconnait : on s’est rencontre avec Neeraj ! C’est Rinku ! Je lui explique la situation, il m’emmène chercher Mani mais sans succès. Alors je lui confie un collier d’Omkareshwar et un peu d’argent avec un mot griffonné sur un bout de papier à donner a Mani…j’ai relativement confiance que cela sera remit au destinataire. On rencontre parfois la bonne personne au bon moment !

Ekta
Prolongation de la meditation jusqu'au palais des Vents
Je quitte le centre avec Ekta qui a propose de me ramener a Delhi en voiture avec un ami. Je suis contente d’avoir trouve un moyen express de rejoindre Louis et d’être en bonne compagnie. Malheureusement, cela s’avère une épreuve : au fur et a mesure du trajet, mes amis indiens veulent visiter monuments et temples. Il y a conflit d’intérêt non clairement exprimes : Je veux rejoindre Delhi au plus vite et eux veulent visiter la région ! Le trajet prendra 15h car la pluie s’en est mêlée et je rejoins Dehli a 23h ou Louis m’attend désespérément pour sauter dans le dernier métro ! Tous les bienfaits de la méditation envolés en quelques heures d’énervement ? Quand même pas… et puis nous sommes enfin ensemble dans notre Palace le moins cher du marche (et confort  la hauteur du prix).


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